Selon Sam van Noort, professeur à l’Université de Princeton et spécialiste du développement économique, l’industrialisation d’un pays joue un rôle crucial dans le renforcement de la démocratie. Dans une interview exclusive avec BBC News, van Noort fait valoir que l’augmentation des opportunités d’emploi dans le secteur industriel contribue de manière significative à la consolidation des régimes démocratiques.
Titulaire d’un doctorat en développement économique de l’Université de Cambridge, van Noort suggère que “la démocratisation est plus étroitement liée à l’expansion de l’emploi industriel qu’à d’autres variables économiques traditionnellement mises en avant, telles que le PIB par habitant ou le revenu”.

Il souligne que l’activité industrielle ne se contente pas de créer des emplois, mais elle habilite également les travailleurs avec des compétences essentielles pour l’engagement politique. Selon le professeur, les travailleurs industriels ont tendance à devenir des “acteurs sociaux et politiques plus robustes”, capables d’exercer une “influence significative sur l’imposition de coûts économiques à l’élite d’un pays”.
Pour van Noort, la capacité de mobilisation des travailleurs industriels peut jouer un rôle décisif dans le renforcement des structures démocratiques, en offrant une contrepartie essentielle à la concentration du pouvoir économique et politique.
Sam van Noort, professeur à l’Université de Princeton et spécialiste du développement économique, met en garde contre la rapide désindustrialisation dans le Midwest des États-Unis, exacerbant la polarisation et la radicalisation politiques dans la région. Dans une analyse approfondie, il indique que l’entrée massive des industries chinoises, avec leurs avantages compétitifs, a été un catalyseur significatif de ces effets.
“Au fil des années, des régions comme le Midwest des États-Unis ont été durement touchées par l’impact de l’entrée des industries chinoises sur le marché mondial. Ce choc économique a non seulement réduit considérablement la présence industrielle locale, mais il a également alimenté une augmentation de la polarisation politique”, explique van Noort.
Noort souligne que l’industrie n’est pas seulement un moteur économique, mais aussi un domaine qui développe des compétences essentielles pour l’action collective et la mobilisation sociale. “Dans l’industrie, vous devez travailler en collaboration avec un grand nombre de personnes, souvent inconnues, et vous organiser efficacement pour des actions collectives. Cela crée une capacité unique de mobilisation”, ajoute-t-il.
Cette capacité, selon lui, peut jouer un rôle crucial dans le renforcement de la démocratie en autonomisant les travailleurs et en fournissant des contre-poids au pouvoir économique concentré.
Il soutient que l’industrialisation ne stimule pas seulement la croissance économique, mais favorise également des conditions sociales qui renforcent la démocratie, telles qu’une participation politique accrue et une mobilisation sociale. La capacité de créer des emplois de qualité et de développer les compétences nécessaires pour une participation civique active sont des composants fondamentaux de ce processus.
En analysant la relation entre industrialisation et démocratie, van Noort souligne : “En économie politique, il y a un grand intérêt à comprendre comment le développement économique, y compris l’industrialisation, est lié à la démocratie. Nous avons découvert que regarder simplement le PIB par habitant ne saisit pas adéquatement cette dynamique”.
Il continue : “Historiquement, nous constatons que les changements de revenus n’ont pas une relation robuste avec les changements ultérieurs dans la démocratie au sein des pays au fil du temps. Il est donc crucial de considérer comment les politiques économiques affectent non seulement la croissance économique, mais aussi les structures démocratiques et l’équité sociale”.
Sam van Noort souligne que des variables économiques traditionnelles comme le PIB par habitant ou le revenu peuvent ne pas saisir complètement l’impact positif de l’expansion de l’emploi industriel sur la structure démocratique d’un pays. Il avance que l’emploi dans l’industrie non seulement offre de meilleurs salaires et nécessite une plus grande éducation, mais il facilite également la capacité d’organisation et de mobilisation politique des travailleurs.
Van Noort met en avant le fait que dans l’industrie, la division profonde du travail prépare involontairement les travailleurs à s’organiser politiquement, contrairement à d’autres secteurs économiques tels que les services et l’agriculture. Il souligne que l’économie d’échelle dans l’industrie favorise également une coordination massive entre les travailleurs, quelque chose d’essentiel pour une mobilisation politique efficace.
La recherche de van Noort souligne l’importance de politiques qui encouragent non seulement la croissance économique générale, mais aussi la création d’emplois industriels qui non seulement soutiennent économiquement, mais renforcent également les bases démocratiques d’une société.
Il explore comment les connexions intrinsèques de l’industrie stimulent non seulement l’économie, mais renforcent également considérablement le pouvoir politique des travailleurs. Il insiste sur le fait que l’interconnexion économique dans l’industrie confère aux travailleurs un pouvoir considérable pour influencer les politiques économiques et sociales, en raison de leur position centrale dans la chaîne de production.
Van Noort compare la capacité de mobilisation et l’impact économique des travailleurs industriels avec d’autres secteurs comme l’agriculture et les services, où l’organisation du travail est moins intensive et ne favorise pas la même échelle de production ou d’organisation collective.
Ces analyses de van Noort offrent de nouvelles perspectives sur la relation entre industrialisation, structure économique et renforcement démocratique, soulignant la nécessité de politiques qui favorisent non seulement la croissance économique, mais aussi l’inclusion sociale et politique des classes laborieuses. Il explore comment la mobilisation des travailleurs industriels a été fondamentale pour pousser à des réformes démocratiques, représentant un défi direct pour l’élite dominante.
Van Noort souligne que l’industrialisation a non seulement transformé l’économie, mais aussi créé une classe ouvrière organisée et politiquement consciente, essentielle pour légitimer le processus démocratique en Corée du Sud.
Ces exemples offrent des perspectives précieuses sur la manière dont les processus économiques et sociaux interagissent pour façonner le destin politique des nations, soulignant l’importance de politiques qui favorisent l’inclusion et la participation démocratique effective de tous les secteurs de la société.
Van Noort observe que malgré la dictature en Chine, le pays fait toujours face à d’importants défis en matière de démocratisation, en partie en raison du niveau relativement faible d’emploi industriel par rapport aux pays occidentaux et au Japon. Il suggère que l’homogénéité au sein de l’élite chinoise après la guerre civile pourrait compliquer ce processus.
Van Noort analyse également l’expérience latino-américaine, en soulignant que des pays comme le Brésil n’ont pas réussi à atteindre des niveaux élevés d’emploi industriel, ce qui affecte directement le fonctionnement démocratique. Il insiste sur le fait que l’industrialisation ne crée pas seulement des emplois bien rémunérés et à haute productivité, mais renforce également la base démocratique en autonomisant les travailleurs.
Quant aux solutions pour la revitalisation industrielle au Brésil, van Noort discute de la possibilité d’imposer des barrières commerciales dans des secteurs stratégiques comme mesure de protection de l’industrie nationale. Il soutient que chaque pays possède des capacités technologiques distinctes qui doivent être prises en compte lors de la décision de politiques commerciales.
Ces réflexions de van Noort offrent une analyse critique des défis et des opportunités associés à l’industrialisation et au renforcement démocratique dans différents contextes mondiaux.